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Impressions de visite au château de Lourmarin

C’était après le déconfinement. Nous ignorions encore que cinq semaines à peine nous séparaient d’un nouveau confinement.

Nous entrons dans Lourmarin côté château, masse imposante sur sa motte escarpée dominant le village, dans un ciel bleu uni : Il faisait beau, il faisait bon, la journée du 26 septembre s’annonçait triomphale, l’automne semblait loin. Difficile de trouver à se garer entre Jaguar, Morgan, Porsche, Mercedes décapotables… voitures à l’image du microcosme du Lubéron. Le dieu du village, c’est le tourisme : galerie de tableaux, marchands de « véritables savons de Marseille » made in china, bouquets de lavande enrubannés, « miel des montagnes locales » en direct de Turquie, tapenade… environnement supportable : nous ne sommes plus en août. Nous prenons le chemin très

campagnard qui mène au château, retrouvons la grosse poignée de sociétaires qui ont bravé la pandémie, un public comme à l’accoutumée patient et discret, passionné et heureux autour de notre présidente M.C. Léonelli qui nous informe que notre guide sera Danielle Antonelli-Gidroll, conservateur des lieux et présidente des Amis de Lourmarin. Dans la cour médiévale entourée de galeries à l’italienne, notre cicérone trace rapidement l’histoire : la famille des Baux puis celle des Agoult - qui fleurent bon la région - bâtirent le château vieux dont il reste le colossal donjon, puis la figure de Blanche de Lévis-Ventadour - qui fleure bon à la fois les Albigeois et la troba des troubadours- et qui bâtit la magnifique aile Renaissance. Cette dernière a malheureusement perdu son revêtement d’enduit lui donnant cet air un peu abandonné et négligé. Dans les deux petites bibliothèques donnant sur la galerie, notre Conservatrice nous en conte l’histoire récente. Tombant en ruines, le château est racheté en 1920 par un industriel mécène de Lyon, Robert Laurent-Vibert qui le restaure rapidement, meurt en 1925 dans un accident en léguant bâtiments et collections à l’Académie d’Aix-en-Provence avec instruction de créer une fondation accueillant artistes en résidence, œuvre toujours très active. L’escalier du donjon - une pure merveille - nous mène à la terrasse d’où la vue est grandiose : en arrière-plan, les montagnes entourant la vallée avec ses deux buttes :

celle du village « aux trois clochers » (temple, église, beffroi) et celle du château. Un cadre préservé, une campagne intacte, des montagnes inoccupées ou le paraissant, la vue même qu’en avaient les Agoult… La visite de la partie Renaissance nous ménage une surprise de taille : deux salons imposants avec chacun une immense cheminée au décor intact, dignes des grands châteaux de la Loire. N’oubliez pas de vous asseoir un instant en face de la Vierge à l’enfant de l’école de Filippo Lippi, un enchantement : prenez votre temps. Et si l’exposition des salons est encore en place, trainez longuement devant les gravures anciennes et contemporaines qui couvrent les murs… plaisir garanti !

Nous quittons Danielle Antonelli-Gidroll qui fut un guide merveilleux : conteuse née, mêlant subtilement érudition et passion, donnant en plus l’impression que nous étions reçus par une maîtresse de maison aimant recevoir. Sans elle, nous aurions vu un beau château, avec elle, nous y étions invités.

Il ne vous reste plus qu’à aller au cimetière visiter Albert Camus qui s’y repose depuis 1960. On m’avait raconté qu’un laurier avait jailli de la pierre, et j’imaginai Albert couronné de lauriers à Lourmarin à l’instar de Dante et de Pétrarque couronnés à Florence sept siècles auparavant. Il ne s’agissait en fait que de laurier rose. Ainsi va la vie…

Nous regagnons nos voitures par des rues pleines de masques - Covid oblige ! Et j’emporte avec moi ces vignettes que je me remémorerai cet hiver pour meubler mon confinement : le site, la cour aux galeries, l’escalier, les deux salons aux cheminées, la Vierge à l’enfant, et la passionnante vidéo sur la Sainte Face de Mellan.Quelques photos souvenirs vous attendent ci-dessous.

François-Marie Legœuil